Ma vision de la photographie se rapproche plus d'un « ça a été joué » de Francois Soulage, qui replace le photographe au cœur même de l'action en considérant que le sujet d'une manière ou d'une autre est conscient d’être scruté, qu'il a un rôle a tenir et que si il ne l'est pas, le photographe est là pour intégrer son sujet dans un décor, pour le mettre en scène.
Ainsi le rapport qu'entretient la photographie avec la réalité se rapproche de l'expérience du chat de Schrodinger. Elle peut être vraie ou fausse ou les deux en même temps. C'est pour cela que je présente ma photographie comme un « ça aurait pu être, joué » qu'il faut percevoir comme une évolution de la pensée de F. Soulage vers quelque chose d'encore plus hypothétique. Comme il n'est ici question que d'interprétation, de représentation, elle pourrait tout autant n’être ni vraie, ni fausse, mais simplement être autre chose.
Ici La notion de souvenir écran est au centre de ma démarche. Mes photographies sont « celles que j'aurais voulu faire » et possèdent souvent une dimension allégorique ou onirique. Le sujet que je photographie n'est que le vecteur d'une émotion que je cherche a révéler dans une image qui me guidera. Il s'agit donc de faire « une image pour vivre avec ». L'épreuve du temps est ici gage de qualité.
Je fuis le spectaculaire, le feu d'artifice. Je cherche avant tout l'expression de quelque chose de pur dans ce qu'il a de commun. C'est en partie la raison pour laquelle ma photographie est une photographie de terrain. Et même si je voyage pour me libérer de certaines contraintes, mes photos pourraient être faites ici ou ailleurs. Elles ne portent pas en elles l'identité d'un lieu ou d'un moment mais cherchent avant tout a valoriser l'essence d'un sentiment porté par une sujet anonyme. Ce qui m’intéresse est d'une certaine manière ce point de correspondance qui peut exister « entre l’être et l'oubli ».
Derrida nous enseigne que la signification comme signe est une absence au cœur même de la présence. La solitude en ce sens est récurrente dans ma photographie. Le décor face au sujet, joue autant le rôle de piédestal que de camisole. La distance que j’opère a la prise de vue, me permet ce dialogue contenant /contenu. Mon sujet n'existe-t-il que par la présence du décor ? Le décor ne prend-il sens que par la présence du sujet ? Lequel des éléments s’empare de l'autre ?